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Saturday, August 29, 2020

Dans les archives d’Yves Saint Laurent Rive Gauche - L'Obs

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Ça se passe il y a un an, c’est l’automne. Je reçois un SMS de cet homme, Olivier Châtenet : « Si tu veux, je te montre. » Je sais exactement de quoi il parle, et aussi qu’il ne « montre » pas à tout le monde. C’est que nous avons nos érotismes spéciaux, dans la mode. Olivier, né en 1961, a toujours aimé collectionner les vêtements. Et notamment du Saint Laurent Rive Gauche. Par amour, il a reconstitué la quasi-intégralité des collections Rive Gauche, c’est-à-dire « prêt-à-porter », c’est-à-dire celles qu’on ne voit jamais dans aucune exposition Saint Laurent.

Ce qu’on nous montre, c’est la haute couture. Toute la légende, ainsi que l’a désiré Pierre Bergé, est construite autour cette Haute Couture, statutaire et inaccessible. Alors que le prêt-à-porter, alors que Rive Gauche : muséalement, c’est comme si ça n’avait jamais existé. Personne chez Saint Laurent ne pensait même à archiver ces habits si démocratiques, les premiers de l’histoire (vêtements de travail exceptés) à être produits en masse sont comme des outsiders de l’Histoire. Et pourtant ! Fabriqués en si grand nombre, ils sont encore là, certes de moins en moins, sur eBay, Etsy, aux puces de Saint-Ouen, dans les boutiques vintage, mais aussi dans les vide-greniers les plus humbles ou même dans votre cave, qui sait…

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Ils sont là et Olivier Châtenet, toute une partie de sa vie, les a recherchés. Je me rappelle qu’on le suppliait de nous en revendre, et il souriait, énigmatique. « Une saharienne, Olivier, je peux trouver ça où ? » « J’en ai plein », crânait-il. La rosse ! Une fois, j’en ai chinée une, et je l’ai postée sur Instagram, il m’a aussitôt écrit : « Pourquoi tu m’as pas demandé, idiote ? ! » Mais quand on demandait, il sifflotait. Et puis, que dalle !

Des vêtements qui racontent une époque

Alors ce jour d’automne, quand Olivier pousse la porte de sa salle des archives, dans un entrepôt parisien, je mesure le cadeau qu’il me fait, rien qu’en m’autorisant à voir. Presque toutes les collections Saint Laurent Rive Gauche sont là, collées les unes aux autres. Il y a des cintres hors d’atteinte, et d’autres sur lesquels la main se porte, dévorée par la tentation. C’est comme dans une boutique vintage miraculeuse, comme ces fois où (c’est arrivé à tout amoureux du vintage) on « tombe sur un nid ».

Il y a tant de blouses, qu’est-ce que cela ferait si j’en prenais une ? Olivier veille au grain, c’est cas de le dire. Il y a ici l’histoire d’une époque, l’affranchissement, le truc qui tombe toujours bien. Est-ce que ça a vieilli ? Beh non. Tout reste incroyablement désirable, et d’ailleurs tout est imité constamment, les petits plis partout, les pinces de jupes et de pantalons vers l’intérieur, le choc des couleurs, les poches obligatoires…

4 000 pièces cédées à la maison Saint Laurent

Je redemande, comme une soupirante : « Tu n’en vendras jamais ? Même pas une blouse, comme ça, en passant ? » Olivier est assis maintenant, sur la chaise d’où il a dû, des années durant, contempler son royaume : « Ecoute, je vais tout vendre d’un coup. C’est presque fait. » Et puis, il baisse les épaules, il regarde ses mains, et dit du poids qui le fait vivre : « C’est trop lourd. » Je verse une larme, mais c’est seulement au-dedans de moi alors il ne voit pas.

Cet été, Olivier Châtenet a cédé sa collection à la maison Saint Laurent. 4 000 pièces ont été inventoriées. La larme a coulé vraiment. De joie. Cela veut dire au moins un livre à venir, enfin.

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August 29, 2020 at 04:00PM
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